jeudi 22 avril 2010

Mon deuil de la maternité.

Souvent on me demande si j’aurai d’autres enfants. Quelle question! Il s’agit d’un sujet qui vient me chercher énormément. Il n’y a pas si longtemps, j’étais incapable d’aborder ce sujet sans pleurer. Pourquoi? Tout simplement parce que mon cœur, ma tête et mon instinct se battaient et se contredisaient sans cesse. Des jours c’était très clair et d’autres c’était le brouillard.

Mon cœur de maman réclamait ardemment un autre enfant à aimer, mon ventre criait le besoin de porter un autre petit trésor. Mes bras voulaient bercer et mes seins voulaient encore allaiter. Mais, ma tête trop rationnelle me mettait en garde.

Auras-tu la patience et le courage de faire face à un autre enfant? Et s’il est différent, lui aussi? Te sentiras-tu coupable? Seras-tu capable de retraverser ce par quoi tu viens de passer? Par contre, un frère ou une sœur c’est aussi une richesse. Es-tu capable de laisser ton enfant unique? De ne pas lui permettre de vivre la fratrie? Que de questions…

De son côté, papa grenouille, beaucoup plus terre à terre que moi, me disait que pour lui, c’était fini. Que peu importe, il ne voulait pas d’autres enfants, que la différence de petite grenouille n’y changeait rien. Je l’enviais d’être si certain, j’enviais sa capacité à faire fi de ses émotions dans sa décision. Mais en même temps, je le maudissais de me mettre cette barrière. On ne peut pas empêcher le désir de maternité chez une maman.

J’ai dû aller chercher de l’aide pour faire le ménage dans tous ces sentiments qui se bousculaient en moi. Je devais trouver ma réponse à moi, pas celle de papa grenouille, pas celle de papi et mamie grenouille, pas celle des amis ou de Pierre-Jean-Jacques. Je devais faire le point avec moi-même. J’ai été aidé dans ce douloureux cheminement par une professionnelle, une femme compétente et empathique.

Maintenant, je suis en paix avec ma décision. Bien sûr, parfois, j’ai de petites rechutes et des émotions contradictoires viennent me submerger. Je ne peux pas empêcher les hormones maternelles de venir me faire un petit coucou. Mais, je suis enfin capable d’en parler sans m’écrouler; je suis enfin capable de voir une femme enceinte et de m’en émerveiller au lieu d’en être jalouse; je suis enfin capable de prendre un bébé dans mes bras sans que mon utérus crie à tue tête qu’il en veut un lui aussi.

Cette décision est la mienne et je respecte celle prise par d’autres mamans d’enfants différents. Je comprends tellement qu’elles peuvent en arriver à une conclusion différente. Je suis aussi consciente que la vie peut nous jouer des tours et prendre un virage imprévu. L’arrivée de petite grenouille en fût tout un. Peut-être qu’un jour mon raisonnement changera en fonction d’une multitude d’évènements futurs, mais aujourd’hui il en est ainsi.

Petite grenouille sera fils unique.

Ouf! Je l’ai écrit. C’est fait. Vous expliquer tout le cheminement qui m’a conduit à cette conclusion serait long et ardu. Petite grenouille a 6 ans et je suis en paix avec cette décision que depuis peu. Mais voici un bref aperçu.

Une grande partie vient du risque d’avoir un autre enfant autiste. Aucune étude ou professionnel de la santé ne s’entendent sur le pourcentage que représente ce risque. Mais, si je me fie aux familles que je rencontre, si je fais une moyenne des professionnels rencontrés ce risque est trop élevé pour moi. Ce n’est pas que je n’aimerais pas un autre enfant autiste. Il serait aimé tout autant que ma petite grenouille. Mais la culpabilité me rongerait. Je m’en voudrais de faire vivre cela à un autre enfant. Certains autistes on le bonheur inné, mais pas mon fils. Petite grenouille est angoissé, anxieux et a de la difficulté à accepter sa différence, par conséquent çà teinte mes réflexions.

Il y a aussi le fait que nous ne seront pas indéfiniment vivants papa grenouille et moi. Alors qui s’occupera de nos enfants une fois que nous ne seront plus là? Je suis incapable de mettre au monde un enfant sachant qu’il risque d’être placé en institution un jour. Et je ne suis pas plus à l’aise avec l’idée de déléguer la lourde tâche de s’occuper d’un enfant différent à un membre de ma famille, alors deux…

Nous avons énormément fait appel au réseau privé pour stimuler petite grenouille. Ce qui a grugé nos économies. Si un autre enfant avec des besoins particuliers s’ajoutait à notre famille, je me sentirais coupable de ne pas lui donner autant qu’au premier. Je ne pense pas que l’on aurait les moyens de payer les thérapies pour deux enfants.

Et si le deuxième était neurotypique*? Sincèrement, ce ne serait pas nécessairement plus simple. Parlez-en aux familles de plusieurs enfants dont un est autiste. L’acceptation de la différence par l’autre enfant peut-être complexe et difficile.

Ce n’est qu’un aperçu des questions qui m’ont amené à prendre ma décision. Il s’agit de pistes de réflexion. Bien sûr cela demeure simpliste, je n’ai pas la prétention de posséder la vérité, mais çà vous donne une idée de ce qui se passe dans ma tête et mon cœur de maman grenouille.



Neurotypique : dans le monde de l’autisme c’est ainsi que l’on nomme les gens non-autistes.

4 commentaires:

  1. C`est difficile je passe aussi de l`un à l`autre.. il a 7 ans et des poussières.. et plein de nouvelles difficultés.. je penche de plus en plus vers l`unique même si sa me tord le ventre parfois..

    Boris

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  2. allo Martine,

    je découvre ton blog... Mon Dieu ma belle - j'aurais pu écrire la même chose... Nos fils se ressemble - mais je crois que nous et nos conjoints aussi. Au plaiisr de se rencontrer un jour.

    Nancy - la gachette

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  3. La gachette: J'espère bien te rencontrer un jour!

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