mercredi 14 avril 2010

Bon appétit

Lorsque j’étais enfant, l’heure des repas était bienvenue. Je suis gourmande, je m’assume. J’aime la bouffe. J’aime goûter à de nouvelles saveurs. Cuisiner pour moi représente un plaisir de la vie et non juste une corvée. Mais, plus que çà, l’heure des repas représente un moment privilégié. Un moment où toute la famille s’arrête, s’assoit ensemble, partage un repas et discute de tout et de rien. J’ai de beaux souvenirs d’enfance autour d’un repas en famille.

Lorsque nous avons décidé papa grenouille et moi de fonder une famille, je m’imaginais recréer ces moments de mon enfance. J’ai reçu toute une claque au visage avec ma petite grenouille. Mon rêve de repas familiaux c’est transformé en défi.

Avec l’autisme vient souvent des troubles alimentaires. Petite grenouille ne partage pas du tout, avec moi, le bonheur que me procure la nourriture. Dès qu’est venu le moment d’introduire des solides dans son alimentation, je me suis buté à un mur. Petite grenouille refusait les solides. Il vomissait souvent. Il avait des hauts le cœur au moindre changement de texture.

Lorsqu’on analyse l’heure des repas avec le regard d’un autiste, on comprend mieux pourquoi cela représente un défi pour eux. Regardons cela avec les yeux de ma petite grenouille.

Premièrement, l’heure des repas est une transition. Petite grenouille doit arrêter ce qu’il fait pour venir s’installer à table. Mais, les transitions génèrent beaucoup d’anxiété chez mon fils. C’est comme si le fait de passer à autre chose faisait en sorte que tout ce qui était, avant la transition, n’existait plus. Il a de la difficulté à se projeter dans l’avenir. Pour l’aider, nous devons l’avertir à l’avance, lui nommer la séquence des évènements. Avoir un horaire le sécurise énormément. Plus petit, je faisais un horaire visuel avec des pictogrammes. Je décortiquais la journée. Maintenant, pour tout ce qui touche la vie quotidienne, faire un horaire de façon verbal est suffisant, mais je dois lui répéter souvent.

Deuxièmement, il ne faut pas oublier que petite grenouille a un TDAH (trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité) associé à son autisme. Donc, juste s’arrêter est difficile. Lors des repas, on doit rester assis et concentré sur notre assiette, tout un défi. Lorsque nous avons sorti notre grenouille de sa chaise haute pour l’asseoir à la table nous avons constaté l’ampleur du défi. Il tombait, sans cesse, en bas de son siège d’appoint, il grimpait sur la table. Le moindre bruit, la moindre conversation le déconcentre, il perd donc son attention. Il oubli de manger. Ce qui nous a aidé : une chaise tripp trapp. Cette chaise permet à l’enfant d’être à la bonne hauteur, tout en ayant le dos et les pieds bien appuyés. On dirait que le fait d’être bien « groundé » l’aide à rester calme. http://www.stokke-highchair.com/fr-ch/tripp-trapp-highchair.aspx


Il ne faut pas oublier l’aspect sensoriel. Petite grenouille est envahi par tout ce qui touche le sensoriel. Il a de la difficulté à gérer une multitude de stimuli qui arrive en même temps. Il perçoit les sensations de façon exacerbée. La nourriture, c’est des odeurs, des couleurs, des textures, des saveurs, en plus du chaud et du froid. Il y a de quoi être étourdi.

Parmi toutes ces sensations, le véritable défi se trouve dans sa bouche. Il a une hypersensibilité orale.

(Parenthèse : Les autistes ont souvent des hyper ou des hypo sensibilités au niveau de différents sens. Un autiste peu, aussi, avoir les deux problématiques à la fois. Par exemple, un enfant peu être hypersensible aux bruits et hyposensible au toucher. Les bruits seront alors perçus comme agressifs. Mais, il pourrait très bien se couper le doigt et ne pas ressentir la douleur. Petite grenouille est plutôt de type hypersensible. La perception des bruits, des odeurs, des couleurs, les mouvements, les textures… est multipliée par « x » par rapport à nous. Les sensations peuvent même lui générer de la douleur.)

Donc, petite grenouille a une hypersensibilité orale. Il aime bien ce qui se situe aux extrêmes de la palette des sensations. Il aime le croquant ou le mou, mais ne tolère pas ce qui se situe entre les deux. Il aime quand c’est très doux ou quand c’est épicé. Il apprécie, par exemple, la sole et le chili con carne. Comme il n’aime pas l’imprévu et le changement, goûter à de nouveaux aliments est tout un défi. On utilise une séquence dans laquelle, il commence par regarder l’aliment. Les autres étapes sont de toucher, sentir, toucher avec la langue, mettre dans sa bouche sans avaler, croquer sans avaler pour finalement manger. La variété d’aliments acceptés par petite grenouille est plutôt restreinte, mais elle s’agrandit avec les années à mon plus grand bonheur.

Un autre aspect de l’autisme est la difficulté à généraliser les acquis. C'est-à-dire que lorsqu’il fait un apprentissage dans un endroit, il a de la difficulté à le transposer dans un autre endroit. Par exemple, il a réussis, avec l’aide de son éducatrice spécialisée, à introduire la banane lors de la collation à l’école, mais il refuse catégoriquement d’en manger à la maison.

En pensant à tous ce dont je viens de vous parler, imaginez un repas au restaurant, un dîner à l’école… Comprenez-vous le défi que cela représente pour lui et pour nous? Souvent, il a passé pour un enfant capricieux. Combien de regards réprobateurs et de soupirs avons-nous eu lors de soupers au restaurant. Comme parent je réussis à faire fi de cela. Mais, lui, qui commence à réaliser sa différence, comment comprend-t-il cela? Je ne le sais pas. Mais, une chose est certaine, je serai toujours là pour lui rappeler que je l’aime comme il est et que sa différence n’y change rien. Et qui sais, peut-être qu’avec les années et les apprentissages, nous finirons par pouvoir avoir des repas en famille, avec ma petite grenouille, où le plaisir et la discussion seront au rendez-vous.

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